Bordeaux, d’une rive à l’autre
De l’installation du préfet et poète Ausone au 4ème siècle après JC au classement de 1855 sous l’impulsion de Napoléon III, Bordeaux est probablement, avec la Bourgogne, la région viticole plus connue dans le monde.
Elle est également inextricablement liée à l’histoire du vin, à l’histoire de France même si elle fut propriété de la couronne britannique durant 3 siècles (de 1154 à 1453). Et durant le Moyen-âge, son vin était loin de faire l’unanimité, les hommes de goût de l’époque lui préférant les vins de bourgogne, voire de Cahors ou de Bergerac ! Rappelons tout de même que si Orléans est devenue la capitale du vinaigre, c’est parce que certains vins avaient tourné durant le voyage et s’arrêtaient dans cet important port de commerce fluvial.
Ce n’est qu’au 18ème siècle et plus encore au siècle suivant, que le bordeaux va prendre ses lettres de noblesse. En 1855, Napoléon III, décide en effet d’organiser une exposition universelle à Paris et souhaite montrer au reste du monde la fine fleur des produits français. *
C’est pour cette raison que Lodi-Martin Duffour-Dubergier, ancien maire de Bordeaux, président de la Chambre de commerce de Bordeaux et également négociant et propriétaire -entre autres- du château Smith Haut Laffite, fait établir une carte des vins et demande au syndicat des courtiers bordelais de lui transmettre une liste référençant les meilleurs vins de la rive gauche. Les courtiers de l’industrie vinicole bordelaise, établirent ainsi, non pas sur la base de dégustations, mais sur la base des prix auxquels ils commercialisaient ces vins, un classement pour les vins rouges et un autre pour les vins blancs.
Ainsi est né ce fameux classement de 1855, qui classa les rouges du Haut-Médoc (à l’exception du Château Haut-Brion, 1er grand cru classé issu de la région des graves) du 1er grand cru au 5ème grand gru classé et les blancs de Sauternes et de Barsac (plus au Sud), en Premiers et Seconds crus. Seul le château Yquem, aujourd’hui propriété de LVMH, considéré comme le meilleur liquoreux au monde, est classé Premier Cru Supérieur.
Ce classement fut le point de départ de la « premiumisation » des bordeaux et contribua largement à leur notoriété, notamment hors de nos frontières. Mais ayant très peu évolué au fil du temps (avec une seule révision en 1973), ce classement a quelque peu figé les positions même si d’autres classements sont apparus ensuite, pour les graves en 1959, mais aussi côté rive droite pour les Saint-Emilion en 1954.
Ce qui fait dire à certaines figures du bordelais comme Bernard Magrez (propriétaire de 4 grands crus classés bordelais) que « le Bordeaux bashing, ce n’est pas une chanson, c’est une vérité. Bordeaux n’a pas renouvelé sa gamme [alors que] les amateurs de vins aiment découvrir des nouveaux produits. A Bordeaux, ça ne bouge pas…* ».
Alors Bordeaux s’est elle-endormie face à la concurrence, notamment internationale ? La rive droite est-elle plus moderne que la rive gauche ?
Avant de débattre de cette question ô combien polémique, intéressons-nous d’abord aux trois sous-régions qui composent le bordelais : la rive gauche, la rive droite et l’Entre-deux Mers.
*propos de Bernard Magrez le 14 janvier 2021 lors de sa visite aux 25 premières start-ups accueillies par son incubateur, au château le Sartre (Léognan) rapportés par Vitisphère
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