Les mots divins
B
Bouillie bordelaise
La bouillie bordelaise est un traitement traditionnel utilisé en agriculture, notamment en viticulture, pour lutter contre certaines maladies fongiques des plantes. Elle est composée d’un mélange de sulfate de cuivre (CuSO₄·5H₂O) et de chaux éteinte (Ca(OH)₂), dilué dans de l’eau. Ce fongicide a été mis au point au XIXe siècle en France, dans la région de Bordeaux, d’où son nom.
Utilisation en viticulture et agriculture
La bouillie bordelaise est appliquée sur les feuilles, les fruits et les tiges des plantes pour protéger contre des maladies telles que :
- Le mildiou : Une maladie fongique fréquente en viticulture qui affecte les feuilles et les grappes.
- La tavelure : Qui attaque les arbres fruitiers comme les pommiers et les poiriers.
- La cloque du pêcher : Une maladie touchant les feuilles des pêchers.
Réglementation actuelle
En raison de ses impacts environnementaux, l’utilisation de la bouillie bordelaise est aujourd’hui strictement encadrée. Les réglementations européennes limitent la quantité de cuivre pouvant être appliquée par hectare et par an (généralement autour de 4 à 6 kg/ha/an en agriculture biologique).
E
Echalas
Planter en échalas est une méthode traditionnelle de conduite de la vigne, où chaque pied de vigne est soutenu par un tuteur vertical, appelé échalas, souvent en bois ou en métal. Cette technique est particulièrement répandue dans les régions viticoles de terrains escarpés ou difficilement mécanisables, comme dans certaines parties de la vallée du Rhône (par exemple, Côte-Rôtie, Hermitage) ou en Alsace.
Caractéristiques de la plantation en échalas
- Échalas :
- Un tuteur, généralement de 1,5 à 2 mètres de hauteur, est planté près de chaque pied de vigne.
- Il sert à soutenir les rameaux de la vigne, qui y sont attachés avec des liens, pour éviter que les sarments ne retombent au sol.
- Disposition des vignes :
- Les ceps sont plantés en rangs serrés, suivant les contours du terrain, ce qui maximise l’utilisation de l’espace sur des pentes abruptes.
- Taille :
- La taille en gobelet ou en cordon est souvent utilisée pour limiter la hauteur des rameaux et faciliter l’entretien.
Régions emblématiques de la plantation en échalas
- Côte-Rôtie (Vallée du Rhône) :
Les pentes escarpées et l’exigence de qualité pour ce grand vin rouge rendent l’échalas indispensable. - Hermitage (Vallée du Rhône) :
Les vignes sur les coteaux abrupts sont souvent conduites avec des échalas pour produire les célèbres vins blancs et rouges. - Alsace :
Certains vignobles plantés sur des coteaux abrupts utilisent encore cette méthode pour les cépages comme le Riesling ou le Gewurztraminer. - Moselle (Allemagne et Luxembourg) :
Les vignobles en forte pente, comme ceux cultivant le Riesling, utilisent également des échalas.
F
Francs de Pied
Une vigne franche de pied est une vigne qui pousse sur ses propres racines, sans avoir été greffée sur un porte-greffe. Cela signifie que la plante entière, racines et partie aérienne, appartient au même cépage, généralement Vitis vinifera. Cette pratique était la norme jusqu’à la fin du XIXe siècle, avant l’arrivée du phylloxera.
Caractéristiques des vignes franches de pied
- Absence de greffage :
Les vignes ne sont pas greffées sur des porte-greffes résistants au phylloxera, comme c’est le cas pour la quasi-totalité des vignobles modernes. - Sensibilité au phylloxera :
Les vignes franches de pied sont extrêmement vulnérables à ce parasite, qui attaque leurs racines. C’est la raison pour laquelle elles sont aujourd’hui très rares. - Développement naturel :
Les racines se développent directement à partir de la plante mère, ce qui est supposé donner une connexion plus “pure” entre le cépage et le terroir.
Où trouve-t-on encore des vignes franches de pied ?
Certaines régions échappent au phylloxera grâce à des conditions géologiques ou climatiques particulières :
- Sols sableux : Le phylloxera ne peut pas survivre dans ces sols (ex. : certaines parcelles en Camargue, dans les îles grecques comme Santorin, ou dans les vignobles de Colares au Portugal).
- Isolations naturelles : Des régions insulaires ou reculées (ex. : les îles Canaries, où le phylloxera n’a jamais été introduit).
- Climats extrêmes : Des vignobles en altitude ou en conditions désertiques où le phylloxera ne prospère pas.
Loic Pasquet, propriétaire de Liber Pater, un Bordeaux situé dans le sud des Graves et produit à partir de vignes franches de pied, a créé une association des Francs de Pied qu regroupe des vignerons ayant des vignes franches de pied. Parmi eux, on trouve le Bourguignon Thibault Liger Belair qui a des vignes Franches de Pied dans l’appellation Moulin-à -vent (Beaujolais) ou Louis et Pierre Trapet qui ont planté des vignes franches de ppied en Alsace.
G
Greffage
Le greffage est une technique utilisée en agriculture et en viticulture pour associer deux parties de plantes différentes afin d’en tirer des bénéfices mutuels. En viticulture, il est particulièrement important depuis la crise du phylloxera au XIXe siècle, car il permet de cultiver des cépages européens (Vitis vinifera) sur des porte-greffes résistants aux maladies ou aux parasites comme le phylloxera. C’est ainsi qu’à la fin du XIXème siècle ont été utilisés des portes-greffes américians dont notamment le Riparia Gloire de Montpellier
Principe du greffage
Le greffage consiste à unir deux parties de plantes :
- Le porte-greffe : La partie inférieure (racine), qui est sélectionnée pour ses propriétés spécifiques comme la résistance aux parasites, aux maladies ou aux conditions du sol.
- Le greffon : La partie supérieure (tige, bourgeon ou branche), qui détermine le cépage ou les caractéristiques de la production (type de fruit ou de raisin, arômes, etc.).
Lorsque les deux parties sont assemblées, elles fusionnent et partagent les nutriments et l’eau, permettant au greffon de produire selon ses caractéristiques propres.
P
Passerillage
Le passerillage est une technique utilisée en viticulture pour concentrer les sucres et les arômes dans les raisins en les laissant sécher partiellement, soit sur pied (passerillage naturel), soit après la récolte (passerillage artificiel). Cette méthode est couramment utilisée pour produire des vins doux ou liquoreux, où le taux de sucre résiduel est élevé.
Les types de passerillage
- Passerillage naturel sur pied
Les raisins restent accrochés aux ceps après leur pleine maturité, souvent jusqu’à l’automne, où ils commencent à se déshydrater. Le processus est favorisé par :- Une météo sèche et ensoleillée.
- Une bonne ventilation pour éviter les moisissures.
- Passerillage artificiel (hors pied)
Les raisins sont récoltés à maturité, puis laissés à sécher dans des conditions contrôlées, par exemple :- Suspendus dans des greniers ventilés.
- Étendus sur des claies ou des nattes en plein air.
Objectifs et résultats
Le passerillage permet :
- Une concentration naturelle des sucres : L’eau s’évapore, mais les sucres, les acides et les composés aromatiques restent dans la pulpe.
- Une complexité aromatique : Les raisins passerillés développent souvent des notes de fruits confits, de miel ou de caramel.
- Une richesse en bouche : Les vins issus de passerillage sont souvent opulents, avec une texture veloutée.
Vins issus du passerillage
- Vins doux : Certains vins comme le Sauternes ou le Monbazillac peuvent inclure du passerillage en complément d’autres techniques comme la botrytisation.
- Vins liquoreux italiens : L’Amarone della Valpolicella et le Recioto di Soave sont produits avec du raisin passerillé artificiellement.
- Vins doux alsaciens : Certains cépages comme le Gewurztraminer ou le Riesling sont passerillés pour les vins de Vendanges Tardives.
Différence avec d’autres techniques
- Botrytisation : La pourriture noble implique une infection par le champignon Botrytis cinerea, qui altère les raisins en plus de les déshydrater, donnant un profil aromatique spécifique.
- Vin de glace (Icewine) : Les raisins sont laissés sur pied jusqu’au gel, concentrant les sucres par congélation naturelle.
Le passerillage, plus simple et sans dépendance à des conditions climatiques extrêmes, est une méthode polyvalente qui valorise les cépages et les terroirs en offrant des vins de grande richesse.
PHYLLOXERA
Le phylloxera est un insecte ravageur, plus précisément un puceron microscopique (Daktulosphaira vitifoliae), qui a provoqué l’une des plus grandes crises de l’histoire de la viticulture au XIXe siècle. Originaire d’Amérique du Nord, il est particulièrement destructeur pour les vignes européennes (Vitis vinifera), qui n’ont pas de défense naturelle contre lui.
Cycle de vie du phylloxera
Le phylloxera peut attaquer la vigne de deux façons principales :
- Attaque des racines (la forme la plus destructrice) :
Le phylloxera s’attaque aux racines des vignes, provoquant des galles (déformations) et des plaies. Ces blessures s’infectent, entraînant la pourriture des racines et la mort de la plante. - Attaque des feuilles (plus rare) :
Sur les vignes américaines, qui sont résistantes, l’insecte peut se nourrir des feuilles, formant également des galles. Cette forme n’est généralement pas fatale.
La crise du phylloxera
- Introduction en Europe :
Dans les années 1860, le phylloxera arrive accidentellement en Europe via des plants de vigne importés d’Amérique du Nord. En l’absence de prédateurs naturels et avec des vignes européennes particulièrement sensibles, l’insecte se propage rapidement. - Conséquences catastrophiques :
En quelques décennies, le phylloxera détruit une grande partie des vignobles européens, causant des pertes économiques énormes et bouleversant les traditions viticoles.
Solutions pour combattre le phylloxera
- Utilisation de porte-greffes américains :
Les vignes américaines sont résistantes aux attaques sur leurs racines. La solution a été de greffer les cépages européens (Vitis vinifera) sur des porte-greffes américains résistants, créant une symbiose entre les deux. - Inondation :
Certaines régions (comme en Camargue) inondaient les vignobles pour étouffer l’insecte. - Traitements chimiques :
À l’époque, des traitements toxiques comme le sulfure de carbone ont été testés, mais ils se sont révélés peu pratiques et dangereux.
Aujourd’hui, le phylloxera reste une menace pour les vignes non greffées, mais les pratiques modernes et la vigilance des viticulteurs permettent de limiter son impact.
Provignage
Le provignage est une méthode traditionnelle de multiplication des vignes, qui consiste à enterrer une partie d’un sarment (rameau) encore attaché à un pied-mère pour qu’il développe des racines tout en restant nourri par la plante principale. Une fois enraciné, ce nouveau plant peut devenir indépendant, tout en étant génétiquement identique à la plante d’origine.
Cette technique a été largement utilisée avant l’introduction du greffage, notamment pour replanter des vignes ou remplacer des pieds morts dans les vignobles.
Procédé du provignage
- Sélection du sarment :
- Un sarment vigoureux est choisi sur un pied existant.
- Ce sarment doit être suffisamment long et flexible pour atteindre le sol.
- Enterrement :
- Une partie du sarment est enfouie dans le sol, laissant l’extrémité (avec des bourgeons) à l’air libre.
- On peut recouvrir le sarment avec une couche de terre légère pour favoriser l’enracinement.
- Enracinement :
- La partie enterrée développe des racines au niveau des nœuds (les points où poussent les feuilles ou les bourgeons).
- Ce processus peut prendre plusieurs mois.
- Indépendance du nouveau pied :
- Une fois que le nouveau plant est bien enraciné, il peut être détaché du pied-mère, devenant ainsi une vigne autonome.
R
Riparia Gloire de Montpellier
Riparia Gloire de Montpellier est un cépage américain de l’espèce Vitis riparia, qui a joué un rôle crucial en viticulture après la crise du phylloxera au XIXe siècle. Il est principalement utilisé comme porte-greffe, grâce à sa résistance aux parasites et à ses propriétés adaptées à certains types de sols et de climats.
Origine
- Espèce : Vitis riparia, une vigne sauvage originaire d’Amérique du Nord.
- Sélection : Le clone “Gloire de Montpellier” a été identifié et sélectionné par l’école de viticulture de Montpellier (aujourd’hui l’INRAE Montpellier), célèbre pour ses recherches en viticulture.
Utilisation en viticulture
Le Riparia Gloire de Montpellier est souvent utilisé comme porte-greffe dans les régions :
- Tempérées à fraîches, où les sols sont humides.
- En France, notamment dans les vignobles du nord et de l’est (Alsace, Bourgogne).
- À l’international, dans des régions présentant des conditions similaires.
Alternatives
Pour les sols calcaires ou les climats plus secs, d’autres porte-greffes comme le 41B (Vitis vinifera x Vitis berlandieri) ou le SO4 (Vitis riparia x Vitis berlandieri) sont souvent préférés.
S
SOLERA
Une solera (ou cuvée perpétuelle) est une méthode traditionnelle de vieillissement et d’assemblage utilisée principalement dans l’élaboration de certains vins, spiritueux et vinaigres, comme les Xérès (Sherry) en Espagne, certains rhum ou même des bières artisanales.
Principe de fonctionnement
La méthode repose sur un système d’empilement de fûts ou de barriques disposés en plusieurs niveaux appelés criaderas. Voici comment cela fonctionne :
- Niveau inférieur : la solera
C’est le fût contenant le vin ou spiritueux le plus ancien, prêt à être mis en bouteille. - Niveaux supérieurs : les criaderas
Les niveaux au-dessus contiennent des liquides plus jeunes. - Mélange et soutirage
- Une partie du liquide est prélevée du niveau inférieur (solera) pour être mise en bouteille.
- La quantité retirée est ensuite remplacée par du liquide provenant du niveau juste au-dessus (1ère criadera), et ainsi de suite jusqu’au dernier niveau, qui est rechargé avec du produit jeune.
Caractéristiques principales
- Équilibre et complexité
Chaque prélèvement et mélange homogénéise les caractéristiques des différents âges, créant un produit final riche et complexe. - Processus perpétuel
La solera n’est jamais totalement vidée, ce qui garantit une continuité dans le style et le goût, tout en incorporant des éléments plus récents. - Pas de millésime
Le produit final est un assemblage de plusieurs années, ce qui le distingue des vins ou spiritueux millésimés.